Le rôle du C.E. en situation de cris

Nous avons demandé l'avis de reviseurs d'entreprise quant au rôle du C.E. (et du C.P.P.T.) en situation de crise... Voici ce qui en ressort.

 

Quelle place pour le Conseil d’Entreprise en période de crise?

Entretien avec Paul Comhaire, reviseur

La crise sanitaire que nous traversons actuellement a causé, dans l’organisation du travail de la plupart des entreprises, des modifications majeures. On sait que pour l’ensemble des travailleurs.euses, cela a donné lieu à une réorganisation parfois difficile et qu’un certain nombre de tâches n’ont pu être assumée convenablement par manque d’accès aux documents, à certains outils…
La sortie de crise ne se fera pas non plus sans des adaptations importantes… Quelle peut être la place du Conseil d’Entreprise dans ce contexte?

 

Le Conseil d'Entreprise et la force majeure…

En premier lieu, il est important de spécifier que, bien que la situation soit exceptionnelle et que les entreprises aient dû réagir dans l’urgence, le Conseil d’Entreprise et le CPPT gardent leur rôle et leurs prérogatives.

Plus encore: dans bien des cas, la crise pose la question de la continuité et de l’organisation de l’activité. Le rôle du Conseil d’Entreprise est crucial dans ce cas-là!

En effet, si la continuité ou l’organisation de l’entreprise sont mises en péril, l’employeur à l’obligation

  1. d’en informer le C.E., le Reviseur et le CPPT ;
  2. de prendre des mesures ;
  3. de présenter ces mesures à l’ensemble des acteurs.

Il est donc plus qu’important que ces organes continuent de jouer leur rôle!

Or, pour participer à la relance de l’activité, les composantes de l’entreprise ont besoin

  • De voir clair dans la situation de départ ;
  • De comprendre cette situation et les enjeux ;
  • D’être acteur d’un plan de relance concerté ;
  • D’anticiper les risques et les opportunités.

Si le Conseil d’Entreprise garde son rôle, même en cas de force majeure, on pourrait même affirmer qu’il est plus important: il doit participer de manière active à une relance profitable à l’ensemble des parties prenantes.

Pour rappel, dans le pacte social de 1944, la mise en place de divers outils de concertation sociale (le C.E. et le CPPT sont des résultats de ce pacte), avait pour objectif d’assurer la participation de toutes les forces en présence à la relance. Et aussi que chacun profite de ses effets.
La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est donc comparable à celle de 1944. Les outils de la concertation sociale ont toute leur place dans la mise en œuvre d’un plan de reprise.

 

Comment agir au C.E. face à la situation actuelle

L’organisation des entreprises a été fortement impactée par la crise sanitaire. La plupart d’entre elles vont reprendre leur activité dans les semaines qui viennent. 

Cette reprise se fera à travers un plan qui sera propre à chaque entreprise et qui sera d’autant plus crédible et efficace qu’il est partagé par l’ensemble des interlocuteurs.

Selon nous, le CE doit être à l’initiative de ce plan… Comment?

 

a. Où en étions-nous avant la crise?
Voir clair dans la situation de départ

Pour œuvrer à une relance réaliste tant sur le plan de l’organisation du travail qu’économique, la première étape est de bien connaître la situation de l’entreprise à la veille de la crise.

Il est donc important d’avoir des données claires au 31/12/2019 sur

  • La situation économique de l’entreprise
  • La situation du personnel (état des équipes, nombre de personnes, âge, qualification, …)
  • Le carnet de commandes / la clientèle
  • La politique commerciale de l’entreprise : les forces commerciales sont-elles suffisantes ?
  • La chaîne d’approvisionnement
  • L’état de l’outil

Sur chacun de ces points, nous vous conseillons d’identifier les forces, les faiblesses et les risques.

 

b. Où en sommes-nous aujourd’hui?

Parmi les éléments listés ci-dessus, y en a-t-il qui ont subi la crise sanitaire de façon plus particulière?

Par exemple: l’outil supporte-t-il d’être arrêté longtemps ? Y a-t-il eu une fuite des clients vers d’autres fournisseurs qui ont continué à travailler durant la crise ?...

De même, certains éléments représentent-ils une opportunité?

Par exemple : certains de vos produits ou services vont-ils avoir un attrait particulier pour certains clients lors de la sortie de crise?


c. Faites le point sur la trésorerie, l'endettement de l'entreprise et le traitement des dettes 

Il faudrait obtenir de la direction la confirmation que la trésorerie est bien gérée et que les dettes bancaires (et les convenants bancaires pour les grosses entreprises) sont bien remboursées ou reportées. Tout va se jouer au niveau du cash et de l’application des mesures mises en place par le gouvernement et les banques.

 

d. Activer les outils de concertation

Vous avez tout à fait le droit de solliciter le reviseur d’entreprise et la direction.

En effet, vous avez connaissance de faits qui questionnent de façon importante l’activité de l’entreprise. Vous pouvez donc les interroger sur l’existence ou non d’un plan de reprise (des fiches sont disponibles sur notre site pour vous aider à analyser ce plan de reprise).

- S’il y en a un, vous pouvez demander au réviseur de valider qu’à sa connaissance il tient la route. Vous pouvez aussi demander à l’employeur qu’il vous le communique.

- S’il n’y en a pas ou pas encore, vous pouvez attirer l’attention sur les éléments qui à votre connaissance vont l’influencer ET, surtout, proposer d’être partie prenante à sa rédaction.

 

Nos conseils

- sollicitez rapidement le reviseur et la direction en collaboration avec votre permanent ;
- Faites parts de vos observations, des constats de terrain et de vos analyses qui font apparaître des risques ou des opportunités pour l’entreprise ;
- Si vous le pouvez, prenez une place dans l’élaboration plan de reprise d’activité et intégrez la D.S., le CPPT et le C.E.

 

En résumé

1. En période de crise et de réorganisation de l’activité des entreprises, l’utilité du CE et du CPPT est plus que confirmée. C’est quand on est dans ces situations-là que ces organes sont importants et doivent jouer leur rôle avec les autres acteurs de l’entreprise!

2. Les représentants des travailleurs.euses disposent d’éléments et d’une connaissance de l’entreprise qui sont incontournables pour mettre sur pied un plan de reprise d’activité.

3. Les mandataires du C.E. peuvent solliciter la direction et le réviseur à la fois pour lui faire connaître les risques qu’ils identifient et s’inquiéter de l’existence et de la crédibilité d’un plan de reprise!

4. Soyez acteurs et tournés vers l’action. Participez à l’élaboration du plan de reprise. Cela vous permettra peut-être d’éviter qu’il soit irréaliste, de faire qu’il soit profitable aussi aux travailleurs.